On peut connaître l’âge d’un utilisateur selon la façon dont il utilise son mobile, selon qu’il est capable d’envoyer un SMS, ou seulement de le lire, voir s’il ne sait même pas ce que c’est, explique amusé le gourou de la mobilité, Tomi Ahonen, à l’occasion d’une plénière sur la scène de Picnic, la conférence hollandaise sur la créativité et les nouvelles technologies.
Les 4 prochains milliards d’utilisateurs qu’évoque Tomi Ahonen dans sa présentation désignent les prochains abonnés aux téléphones mobiles. Et de rappeler que le mobile est devenu le premier des médias. Alors qu’on dénombre 480 millions de quotidiens distribués chaque jour, 1,4 milliard d’utilisateurs d’internet, 1,5 milliard de télévisions, 2,1 milliards de personnes ayant un compte bancaire, 3,9 milliards de personnes possédant une radio FM… On compte déjà 4 milliards d’abonnés au téléphone mobile (pour seulement 3,4 milliards de téléphones mobiles en circulation).
Dans un de ses livres, Tomi Ahonen classe Le mobile comme le 7e média de masse (
extraits
) venant, dans le temps, après l’imprimerie, l’enregistrement audio, le cinéma, la radio, la télévision et l’internet.
« Les mobiles sont aussi différents de l’internet que la télé l’a été de la radio », insiste-t-il. Si les contenus de l’internet et de nombreux autres médias sont aussi accessibles sur mobiles, ce n’est pas nécessairement d’une manière totalement adaptée, comme le montre souvent la difficulté d’accéder à des films ou contenus radio depuis son mobile. Le mobile est appelé à générer des formes médiatiques adaptées (« On n’a pas de sonneries sur l’internet ou à la radio ! »). Le mobile n’est pas un PC plus bête, mais bien un autre support, bien souvent très présent quand on consomme d’autres formes médiatiques.
Le mobile propose également de nouvelles interfaces, pas nécessairement liées à la taille de l’écran (« Si la taille de l’écran était si importante, on ne regarderait que des films au cinéma ! »). Si l’ordinateur n’a que deux interfaces – les 101 touches du clavier et la souris -, les smartphones en ont beaucoup plus : clavier, écran tactile, caméra, capteurs de mouvements…
En tant que média, le mobile propose 7 uniques bénéfices, comme il l’explique sur son blog :
* il est le premier média massivement personnel,
* il est un média qu’on a toujours sur soi,
* il est connecté ou plutôt connectable en permanence,
* il est le seul média avec un terminal de paiement intégré,
* il est le seul média disponible au moment de l’inspiration créatrice,
* il est le seul média capable de mesurer très précisément son audience,
* il capture le contexte social de votre consommation.
* Le mobile est bien plus qu’une plateforme média.
« Qu’y a-t-il de magique avec le mobile ? » Qu’est-ce qui explique le succès du mobile ? Tomi Ahonen a résumé la magie du mobile par le concept des « 6 M ». Le mobile permet :
* le Mouvement : selon la vitesse et la modalité de votre déplacement, par exemple il est capable de savoir quel moyen de déplacement vous utilisez. Il est capable de mesurer notre empreinte carbone, sans capteur dédié !
* le Moment : il est capable à la fois d’étendre le concept de temps et de le focaliser…
* le Moi : Le mobile en sait plus de vous que n’importe qui, selon le timbre de votre voix, il peut par exemple connaître votre état émotionnel pour servir de détecteur de mensonge ou de détecteur d’empathie avec votre correspondant.
* le Multi-utilisateur : il permet de vous connecter à votre communauté.
* le Moyen de paiement (et le canal de vente) : les M-books au Japon, ces livres qu’on lit sur son mobile, ont généré 435 millions de dollars de chiffre d’affaires.
* la machine : la navigation augmentée que propose Layar par exemple n’est accessible qu’avec des mobiles.
La planète ne compte que 6,7 milliards d’habitants. Comment alors pourrions-nous arriver à 8 milliards d’utilisateurs si nous sommes en tout moins que cela ? C’est parce que, sur les marchés émergents notamment, la pénétration du mobile est bien souvent supérieure à 100% et elle continue de croître, explique Tomi Ahonen. Pour lui, à terme, la pénétration du marché dépassera les 120 %. Ce qui signifie que nous aurons plusieurs téléphones : « deux mains, deux mobiles, deux réseaux, deux usages… »
Cette forte pénétration a des impacts directs sur la structuration du marché et les usages. Alors que le cycle de vie d’un ordinateur est de 3,5 ans, celui d’un mobile est seulement de 18 mois. Les nouvelles générations de téléphones mobiles (comme l’iPhone ou Androïd…) s’apprêtent à transformer en profondeur le marché. Et qu’en sera-t-il demain avec des enfants qui ont aujourd’hui 9 ans et pour qui le mobile est déjà l’outil qu’ils plébiscitent dans leurs usages…
Les 4 prochains milliards d’utilisateurs ne seront pas connectés à l’internet, ils n’auront pas d’ordinateurs personnels… Mais ils n’auront pas non plus accès aux téléphones de nouvelle génération. Les 4 prochains milliards d’utilisateurs utiliseront les téléphones qu’on utilise aujourd’hui. Ils seront mordus de SMS comme le montre l’explosion mondiale du marché : 130 milliards de dollars en 2008, avec un trafic en progression de 50 %, des revenus de 25 % et des utilisateurs de 20 %.
Aujourd’hui, la Finlande supprime les cabines téléphoniques. 60 % des foyers y ont abandonné la connexion filaire. Déjà 13 % des utilisateurs de mobiles ne s’en servent pas pour passer des appels téléphoniques ! 46 % des comptes bancaires au Kenya sont des comptes mobiles. En Estonie on peut voter avec son mobile. Seulement 14 % des Anglais mettent leur mobile en mode silencieux quand ils dorment !
Le mobile est la plus grande opportunité qui soit en terme de média. Et ce ne sont pas les applications comme celles qu’on croise sur l’Apple Store, malgré leur succès foudroyant, qui vont l’emporter, ni la télé sur mobile… « L’application tueuse » de la téléphonie mobile pourrait bien être une vieille invention, celle du successeur du SMS : le MMS (pour Multimedia messaging service, c’est-à-dire la version multimédia du Short Message Service)! Derrière cette proposition qui semble porter à sourire, car le MMS annoncé depuis longtemps a pour l’instant eu du mal à s’imposer, Tomi Ahonen ne propose qu’un exemple pour distiller le doute. Un exemple marquant :
BMW a récemment utilisé les MMS
pour faire une campagne publicitaire de vente de pneus neige auprès d’acheteurs de modèles récents, en envoyant à chacun l’image personnalisée de sa voiture équipée de ces nouveaux pneus. Le résultat en terme marketing semble éclatant, annonce le gourou de la mobilité, annonçant un taux de conversion exceptionnel de 30 % : « pour 10 publicités envoyées, 3 personnes ont commandé des pneus neige ! » BMW aurait récolté 45 millions de dollars de gains pour une campagne qui ne lui aurait couté que 60 000 euros !
La messe est dite !
Source: Lemonde.fr